AUGUSTIN un saint bien curieux

AUGUSTIN un saint bien curieux

 

AURELIUS AUGUSTINUS naquit le 13 novembre 354 à Thagaste, aujourd’hui Souk Ahras en Algérie d’un père païen et d’une mère chrétienne et obstinée

C’est un garçon intelligent mais on ne trouve rien dans sa jeunesse qui laisse imaginer qu’il accèdera à la sainteté chrétienne.

Qu’on en juge :

Vers Seize ans pour le plaisir de transgresser les règles il commet de petits larcins dont le plus connu est celui du vol des poires qu’il nous conte dans ses Confessions

« Dans le voisinage de nos vignes était un poirier chargé de fruits qui n’avaient aucun attrait de saveur ou de beauté. Nous allâmes, une troupe de jeunes vauriens, secouer et dépouiller cet arbre, vers le milieu de la nuit, ayant prolongé nos jeux jusqu’à cette heure, selon notre détestable habitude, et nous en rapportâmes de grandes charges, non pour en faire régal, si toutefois nous y goûtâmes, mais ne fût-ce que pour les jeter aux pourceaux : simple plaisir de faire ce qui était défendu »   

Vers ses 17 ans on le retrouve à Carthage où il poursuit ses études.

C’est dans le milieu carthaginois que quelques années plus tard il rencontre une femme à laquelle il fait un fils nommé Adéodat il vivra avec elle durant environ15 ans

Vers 385 il est à Milan et rencontre l’évêque Ambroise

A cette époque- là il est manichéen et il ne se convertira au christianisme qu’en 386 et sera baptisé par l’évêque Ambroise

Sa Maman Monique l’a rejoint et voit que son fils pourrait avoir une belle situation. Elle presse son cher fils de répudier sa concubine qui repart en Algérie et dont on ne parlera plus Ainsi il pourra se marier et être baptisé.

« Il n’était pas question, en effet qu’Augustin régularisât son union avec celle qui avait partagé quinze ans de sa vie et lui avait donné un fils : la modestie de sa condition aurait entravé un si bel avenir. Aussi la jeune femme regagna-t-elle l’Afrique, seule à jamais selon son vœu express. » [1]

Maman soucieuse de caser son fiston lui cherche un bon parti ; elle en trouve un.

Laissons Augustin nous conter l’affaire :

« Déjà j’avais fait une demande déjà j’obtenais une promesse. Ma mère surtout y consacrait

tous ses efforts : une fois marié je recevrais dans le baptême le bain du salut. »

Il y a un problème c’est que la jeune fille n’a pas l’âge de se marier. Donc, « Entre

temps se multipliaient mes péchés. L’on m’avait arraché du flanc, comme un obstacle au

mariage l’habituelle compagne de ma couche. Mon cœur où elle était fixée, en fut déchiré

d’une blessure traînante de sang. Quant à elle, elle repartit en Afrique, en laissant auprès

de moi le fruit de sa chair, mon fils et elle te fit le vœu de ne plus connaître d’homme. Mais

moi, infortuné je n’imitai pas cette femme toute simple : incapable de supporter le délai

imposé (deux ans avant d’obtenir celle que je demandais ) et moins épris du mariage

qu’esclave de la passion, je me procurai une autre femme ; ce n’était pas bien sûr, à titre

d’épouse, mais comme pour nourrir la maladie de mon âme et la faire perdurer jusqu’à

l’avènement de l’épouse. » [2]

Ce passage demande quelques explications. Pourquoi devait -il attendre deux ans pour se

Marier ?

Il faut se souvenir que l’âge légal du mariage dans la Rome antique était de douze ans. Donc la

promise en avait Dix.

Nous renvoyons à l’ouvrage de Pierre Grimal, L’amour à Rome.

Pour ceux qui seraient choqués il faut se mettre dans la tête que ce sont les règles de l’époque. Écoutons Pierre Grimal :

« Les mariages entre adolescents sont monnaie courante. Cependant, il peut y avoir de

grandes différences d’âge entre époux, car un homme déjà parvenu à la maturité choisit

souvent pour deuxième ou troisième épouse une très jeune fille dont il pourrait être le père. » [3]

«Pompée a plus de vingt-quatre ans d’écart avec sa quatrième épouse, Julia fille de Jules César,

Pline le Jeune a dépassé la cinquantaine lorsqu’il épouse une adolescente, Plutarque a

cinquante -trois ans lorsqu’il se marie avec Timoxéna tout juste âgée de quatorze ans, et qui

meurt d’ailleurs cinq ans plus tard lors de la naissance de leur cinquième enfant. Les

Romains n’éprouvent guère de scrupules devant ces écarts d’âge si disproportionnés. Après

avoir divorcé de sa première femme Terentia, Cicéron, à soixante-trois ans passés, épouse sa

pupille, une très jeune fille. A ses amis qui ricanent en lui reprochant de s’unir à une jeune

vierge, le grivois Cicéron répond : « Mais demain, ce sera une femme ». [4]

Donc soyons en assurés à 31 ans si la promise avait eu l’âge requis il l’aurait croquée.

Pierre Grimal conclut : « Ces mariages si différents des nôtres étaient-ils heureux ? Il ne semble

pas que les femmes, mariées si jeunes aient pris pour autant leurs maris en particulière

aversion. »

Donc puisqu’il fallait attendre et que ça le gratouillait fort sous la toge, il prend une nouvelle maîtresse.

Nous découvrons donc un Augustin Voluptueux

« Le désir de l’union charnelle me tenait étroitement dans ses liens et les affaires du siècle m’asservissaient » [5]Livre VIII, VI-13 p 937

« je différai de mépriser les félicités terrestres « Donne -moi la chasteté et la continence, mais pas tout de suite »[6]

Livre VIII, VII 17 p 941

Et pour couronner le tout le grand spécialiste de l’antiquité tardive qu’est Peter Brown s’interroge. Pourquoi sa première compagne qui n’était pas stérile n’a-t-elle eu qu’un enfant en 15 ans ? Lui aurait-il demandé de se tourner ?

Mais voilà, Dieu Frappe à sa porte ; Augustin vire sa cuti et l’on a du même Augustin : « Il n’y a pas de péché qui déplaise tant à Jésus Christ que le péché de la chair et c’est ce qui a fait dire à saint Augustin : que plusieurs de ceux qui commettaient des impuretés la nuit que Jésus vint au monde, moururent de mort subite. « L’abomination du corps et du sexe est à son comble dans le corps féminin. D’Ève à la sorcière de la fin du Moyen-Âge le corps de la femme est le lieu d’élection du Diable »[7]

Conclusion

« Le Christianisme a fait boire du poison à Éros ; il n’en est pas mort, mais il est devenu vicieux. »[8]

 

On peut lire sur lui :

BROWN Peter, La vie de saint Augustin, Seuil, 1971, 1 vol in 8 de 537p

JERPHAGNON Lucien, Augustin et la sagesse, Desclée de Bouwer 2006, 1 vol in 8 de 354p

JERPHAGNON Lucien, saint Augustin pédagogue de Dieu, Gallimard découverte, 1 vol in 12

Et aussi

BROWN Peter, Le Renoncement à la chair, Virginité, célibat et continence dans le

                            christianisme primitif. Columbia, 1988, Gallimard 1995 réimpression de

2006, 1 vol in 8 de 597p

FLANDRIN Jean-Louis, Un temps pour embrasser. Aux origines de la morale sexuelle occidentale. (VI°-XI° siècle) Paris, Seuil, Univers historique 1983, 1 vol in 8 de 250 p

GRIMAL Pierre, L’Amour à Rome, Paris, l Hachette 1963, les Belles Lettres 1979, 1 vol in 8 de 345 p

 

 

 

 

  [1]  In préface  de Lucien Jerphagnon au Saint Augustin de la Pléiade T1

[2] Saint Augustin Confessions Livre VI-XIII .23.  Pléiade T1 p 898

[3] GRIMAL Pierre, L’amour à Rome ,Les belles lettres 1979

[4] SALLES Catherine, l’Antiquité Romaine. Collection In Extenso

[5]  Augustin, Confessions : Livre VIII, VI-13 p 937 Pléiade

[6] Ibidem Livre VIII, VII 17 p 941

[7] LE GOFF Jacques, Un autre Moyen Âge, Quarto Gallimard 1999, 1 vol in 8 p 556

[8] Nieztsche, Par- delà le bien et le mal Maxime 168, in NIETZSCHE Frédéric, Œuvres, Laffont collection Bouquins 1993, 2 vol in 8.T2 p 627

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